juillet 2021

Le statut de personne retraitée du secteur public n’est pas un motif prohibé de discrimination

Dans une décision datée du 22 décembre 2020 (1), la Cour du Québec conclut que la réduction des honoraires versés à un membre assesseur du Tribunal des droits de la personne, qui reçoit par ailleurs une rente de retraite du secteur public, n’est pas discriminatoire. Toutefois, une telle réduction constitue une modification illégale des conditions de travail de ce membre pour laquelle il a droit à réparation.

Dans une optique de réduction des dépenses publiques, le gouvernement du Québec a décidé de réduire les honoraires consentis aux membres assesseurs du Tribunal des droits de la personne (« TDP ») qui perçoivent une rente de retraite du secteur public québécois. Le demandeur est le seul membre visé par cette mesure. Il la conteste auprès de la Cour du Québec (« Cour »).

Le demandeur allègue qu’une telle réduction est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne ») et à la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte québécoise »). Subsidiairement, il allègue qu’une telle réduction est invalide, en ce qu’elle modifie unilatéralement et substantiellement ses conditions de travail.

La Cour conclut, d’une part, que cette réduction n’est pas discriminatoire au sens de la Charte canadienne ou de la Charte québécoise mais juge, d’autre part, que la modification unilatérale et substantielle des conditions de travail du demandeur est invalide. La Cour fait donc droit, en partie, aux réclamations du demandeur.

Seuls les motifs de la Cour ayant trait aux allégations de discrimination seront traités dans le présent article.

Absence de motif de discrimination

La décision du gouvernement établit une distinction entre les assesseurs du TDP qui perçoivent une rente de retraite du secteur public et les autres. En effet, seuls les premiers voient leurs honoraires réduits.

Toutefois, pour conclure que cette distinction constitue une discrimination au sens de l’article 15 de la Charte canadienne, la Cour doit répondre par l’affirmative aux deux questions suivantes :

  1. Est-ce que la mesure contestée établit une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue?
  2. Est-ce que la mesure contestée impose un fardeau ou nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage subi par le demandeur?

La réponse à la première question est négative. Le statut de personne retraitée du secteur public québécois n’est pas un motif énuméré dans la Charte canadienne et, après analyse, ce statut n’est pas un motif analogue.

La Cour retient que le motif analogue est celui qui se rattache à des caractéristiques personnelles immuables ou inhérentes à l’identité de tout être humain. Le motif analogue couvre également l’appartenance à une minorité discrète ou isolée ou encore à un groupe historiquement défavorisé ou victime de préjudices fondés sur des stéréotypes.

Dans ce dossier, la preuve, qualifiée de « bien mince », ne permet pas de conclure à la présence d’un motif analogue.

Quant à la Charte québécoise, pour conclure à une discrimination, la Cour doit répondre par l’affirmative aux trois questions suivantes :

  1. Est-ce que la mesure contestée établit une distinction, exclusion ou préférence?
  2. Est-ce que cette distinction, exclusion ou préférence est fondée sur un motif illicite de discrimination énuméré à l’article 10?
  3. Est-ce que cette distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à l’égalité?

Il est à noter que, contrairement à la Charte canadienne, la Charte québécoise prévoit des motifs illicites de discrimination limitatifs de sorte que seuls les motifs prévus à l’article 10 de cette loi sont applicables pour fonder une plainte de discrimination. C’est le motif de la « condition sociale » qui a été invoqué par le demandeur au soutien de sa prétention et qui a été rejeté par la Cour.

La Cour note que l’élément commun caractérisant les situations reconnues comme relevant de la condition sociale est la vulnérabilité des personnes en cause ou le fait qu’elles soient historiquement défavorisées, démunies ou victimes de préjugés, ou encore que des stigmates ou stéréotypes se rattachent à leur condition.

Dans le présent dossier, aucun élément de preuve ne permet à la Cour de conclure que le groupe des personnes retraitées du secteur public est composé de personnes correspondant à ces caractéristiques.

Il est intéressant de souligner que la Cour semble vouloir distinguer le retraité ne recevant que des prestations de la sécurité du revenu et du Régime de rentes du Québec du retraité recevant, en plus, une rente d’un régime de retraite. En effet, selon le juge, seul le premier retraité pourrait être considéré comme une personne démunie ou vulnérable.

À retenir

Cette décision est éclairante sur l’application de la notion de discrimination à l’égard d’une catégorie spécifique de personnes retraitées. Elle illustre qu’il n’est pas aisé de faire reconnaître la notion de retraité comme l’un des motifs illicites déclenchant l’application des mécanismes prévus aux chartes pour protéger le droit à l’égalité. Le fait d’être une personne démunie ou vulnérable semble central à cette reconnaissance. Il sera intéressant de suivre le traitement réservé à cette décision dans l’avenir, lorsque d’autres cours auront à décider d’allégations de discrimination à l’égard des personnes retraitées.

Pour vos questions concernant les lois sur les régimes de retraite, consultez notre équipe d’avocats spécialisés en la matière.

(1) Angers vs. Procureur général du Québec, 2020 QCCQ 9547 (Canlii).

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