octobre 2020

COVID-19 : Mesures d’assouplissement temporaires de Retraite Québec et devoir fiduciaire de l’administrateur

La COVID-19 fait couler beaucoup d’encre depuis quelques mois. Parmi tout ce qui a été écrit sur le sujet, une décision de la Cour supérieure se démarque en se prononçant sur la portée des mesures d’assouplissement de Retraite Québec. Ces mesures ont été émises au début de la crise à l’égard du devoir fiduciaire de l’administrateur d’un régime de retraite.

Dans la décision Bernard c. Association de bienfaisance et de retraite des policiers et policières de la Ville de Montréal ¹, un ancien employé (le « Plaignant ») a vu la valeur de ses droits au titre de son régime de retraite réduite par les mesures d’assouplissement temporaires émises le 16 avril 2020 par Retraite Québec à l’égard de règles d’acquittement en réaction à la crise sanitaire (les « Mesures d’assouplissement »)² . Le Plaignant demande à l’administrateur du régime (l’« Administrateur ») de lui rembourser ses droits, sans qu’une telle réduction soit appliquée, ce qui lui est refusé.

Le Plaignant s’adresse à la Cour supérieure pour que celle-ci force l’Administrateur à lui rembourser la valeur de ses droits établis sans tenir compte des Mesures d’assouplissement. Au soutien de sa demande, le Plaignant prétend que les Mesures d’assouplissement ne lui sont pas applicables, puisque ses droits étaient déjà cristallisés lorsque celles-ci ont été émises, et que, en tout état de cause, même si ces mesures lui étaient applicables, celles-ci n’avaient pas force de loi et ne pouvaient affecter ses droits rétroactivement. La position de l’administrateur est essentiellement que les Mesures d’assouplissement s’appliquent à l’acquittement des droits du Participant. Il ajoute que, à titre d’administrateur du régime, il doit veiller au respect de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite qui accorde à Retraite Québec le pouvoir d’émettre, à titre d’information, des instructions générales ou particulières relativement à cette loi³ .

Comme il s’agit d’une demande d’injonction provisoire, la Cour supérieure doit déterminer, à première vue, si les prétentions du Plaignant établissent l’ensemble des critères requis pour émettre une telle injonction, à savoir :

  • l’existence d’une question sérieuse à juger;
  • le préjudice sérieux ou irréparable que subira le Plaignant sans l’émission d’une injonction;
  • la balance des inconvénients joue en faveur du Plaignant; et
  • l’urgence d’agir.

Après analyse, la Cour conclut que les critères n’ont pas été satisfaits.

L’intérêt de cette décision réside, selon nous, dans l’analyse de la Cour quant à l’existence d’une question sérieuse à juger, en lien avec la conduite de l’Administrateur face aux Mesures d’assouplissement. Ainsi, la Cour supérieure indique que même si les Mesures d’assouplissement étaient jugées comme n’ayant pas force obligatoire par le jugement final, il pourrait être considéré « téméraire » pour l’Administrateur de les ignorer. Pour appuyer ce constat, la Cour souligne qu’à titre de fiduciaire du régime, l’Administrateur doit veiller à l’intérêt fondamental de l’ensemble des participants et agir avec la prudence, diligence et compétence d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Bien que rendue au stade provisoire, cette décision demeure intéressante pour les administrateurs de régimes quant à l’appréciation de leur devoir fiduciaire vis-à-vis des directives émises par les organismes de surveillance, et ce, même dans l’hypothèse où de telles directives n’auraient pas force obligatoire. La décision met en relief la pertinence, voire l’importance, du respect de telles directives dans la détermination des balises du devoir d’agir avec prudence, diligence et compétence incombant aux fiduciaires.

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¹ Bernard c. Association de bienfaisance et de retraite des policiers et policières de la Ville de Montréal, 2020 QCCS 1816 (CanLII), <http://canlii.ca/t/j88wn>.
² À titre de rappel, les mesures annoncées par Retraite Québec prévoient notamment la mise à jour mensuelle du degré de solvabilité du régime à tenir compte dans l’acquittement (transferts et remboursements) des droits d’un régime à prestations déterminées effectué entre le 17 avril 2020 et le 31 décembre 2020. Pour plus de détails, consultez notre communiqué sur le sujet.
³ 246 (2°) de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

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