mai 2020

Aspects juridiques avantageux des placements privés : le jeu en vaut peut-être la chandelle

Publié initialement dans la revue Le Sablier de l’ADGMQ (Mai 2019)

 

Me Philippe Levac, avocat et conseiller principal, Normandin Beaudry
Me Martin Neveu, avocat et conseiller principal, Normandin Beaudry

L’émergence des placements privés dits « alternatifs » s’observe depuis plus d’une décennie. Ces placements se sont avérés être un complément plus qu’intéressant aux obligations et aux actions traditionnelles pour l’investisseur institutionnel.

Nous entendons par « placements privés » les placements qui, en substance, ne sont pas négociés sur un marché organisé, telle une bourse. Ils sont surtout présents dans les domaines de l’infrastructure, l’immobilier et la dette corporative et s’adressent principalement à une clientèle institutionnelle.

Dans le présent article, nous faisons état, d’un point de vue juridique, des avantages liés aux placements privés par rapport aux placements négociés sur les marchés organisés. Dans un deuxième temps, nous discutons de certaines complexités additionnelles, d’un point de vue contractuel.

Placements privés d’un point de vue juridique

Les placements privés présentent certains avantages juridiques, dont deux sont traités ci-dessous. Ces avantages s’observent à l’égard des placements privés structurés en société en commandite (Limited Partnership) (« SEC »), à savoir le véhicule privilégié pour ce type d’investissements, ce qui n’est pas le cas, sauf exception, à l’égard des placements transigés sur les marchés organisés.

Le premier de ces avantages consiste en la possibilité pour les investisseurs de participer directement (plutôt qu’indirectement par le biais d’une bourse) à des placements sophistiqués sans devoir posséder une connaissance ou une expertise particulière, ni avoir à s’impliquer dans la gestion.

Cet avantage pour les investisseurs s’explique essentiellement par le fondement même et les principales caractéristiques de la SEC. Cette société est créée par contrat, principalement entre deux types d’associés : le commandité et les commanditaires. Le commandité (General Partner), qui apporte habituellement son expertise financière ou en placement à la SEC, est chargé de l’administration et a, en principe, une responsabilité illimitée à ce titre. Les commanditaires (Limited Partners) sont essentiellement les investisseurs qui commettent leur capital à la SEC et, à ce titre, bénéficient en principe d’une responsabilité limitée à la hauteur de leur capital commis.

Le second avantage est la transparence fiscale de la SEC dans le cadre de placements privés ainsi structurés. On entend par cela que la SEC n’est pas considérée comme un contribuable et chaque investisseur bénéficie ainsi du traitement fiscal qui lui est propre. Par exemple, les investisseurs qui, du fait de leur nature, sont exemptés d’impôts à l’étranger sur la base de traités fiscaux peuvent ainsi bénéficier de cette exemption, augmentant potentiellement leurs rendements en bout de piste.

Placements privés d’un point de vue contractuel

Le caractère sophistiqué des placements privés implique généralement une documentation contractuelle et réglementaire plus complexe et volumineuse que celle encadrant les placements transigés sur les marchés organisés.

Dans la mesure où elle fixe les droits et obligations des parties prenantes, la documentation devrait faire l’objet d’une vérification diligente par l’investisseur. Si cet exercice de vérification est de mise en toutes circonstances selon nous, il s’impose à plus forte raison à ceux qui investissent à titre d’administrateur des biens d’autrui, lesquels sont astreints, entre autres, à une obligation d’agir avec prudence et diligence.

On retrouve habituellement comme documents liant les commanditaires au commandité la convention de souscription, la convention de société et la notice d’offre (Offering Memorandum ou Private Placement Memorandum).

Bien que chaque cas doive être analysé, notamment en fonction du type d’investissement, de la durée de celui-ci et des circonstances qui lui sont propres, voici certains exemples d’éléments qui, selon notre expérience, sont habituellement importants à garder à l’esprit lors de la révision et conclusion de cette documentation.

Tout d’abord, au stade de la souscription, l’investisseur doit faire les représentations requises de façon adéquate, notamment celles qui sont en lien avec la règlementation sur les valeurs mobilières et son statut fiscal. Cela importe puisqu’il est généralement prévu que l’investisseur doive indemniser le commandité pour les coûts, dépenses ou dommages causés par une déclaration inexacte de sa part.

Aussi, en regard de la convention de société, les sujets tels que la norme de conduite du commandité et l’indemnisation de celui-ci, les modalités de transfert ou de rachat des parts et les conséquences du départ des employés clés du commandité ou gestionnaire sont tous des éléments à vérifier pour s’assurer que la documentation contractuelle réponde aux attentes de l’investisseur et protège adéquatement ce dernier. De plus, lorsque les circonstances s’y prêtent, une lettre accessoire (Side Letter) peut être négociée avec le commandité pour refléter certaines particularités de l’investisseur (par ex.: restrictions quant à certains types d’investissements) ou lui accorder des avantages au-delà de la documentation contractuelle applicable à l’ensemble des investisseurs.

La notice d’offre peut aussi s’avérer intéressante pour apprécier la stratégie d’investissement du commandité et les facteurs de risques découlant des placements.

Conclusion

Les placements privés forment aujourd’hui plus qu’une simple tendance selon nous : ils s’inscrivent désormais comme une réalité dans le monde des placements. Selon notre expérience, les investisseurs institutionnels tiennent généralement compte des placements privés dans le cadre de leurs activités d’investissement. Or, si les placements privés offrent des avantages indéniables, ils présentent aussi certains défis, notamment celui lié à la complexité de la documentation afférente à ces placements sophistiqués. Toutefois, ce défi peut être facilement surmonté par une vérification diligente de cette documentation par l’investisseur institutionnel, ce qui lui permettra d’investir tout en s’assurant qu’une telle documentation réponde à ses attentes et le protège adéquatement d’un point de vue contractuel et fiscal.

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